Histoire du mot childfree

Je suis ce qu’on appelle une personne childfree; et oui, je ne veux pas d’enfant ! Nous, les personnes sans enfants volontaires n’avons pas vraiment de terme simple à employer dans la langue de Molière, et avons donc piqué ce terme qui résume à merveille notre vie Outre-Atlantique.

Si le sujet est encore extrêmement tabou, on constate néanmoins qu’il prend de la place dans les médias, qui y consacrent des articles et rubriques entières. A la télévision, on peut aussi voir ce thème abordé, afin de briser, peu à peu, l’omerta qui planait encore il y a quelques années sur les injonctions à la maternité.

Mais alors, d’où vient ce terme “childfree”?

Le mot est employé pour la première fois en 1972, dans un article du magazine Time : il témoigne des bouleversements qui ont lieu à la fin des années 1960 lors de la révolution sexuelle, et se place sans aucun doute dans le sillage de l’accès à la contraception et à l’avortement. Un premier groupement de non-parents se créé aux Etats-Unis la même année, il s’appelle le N.O.N, le National organization for non parents. Son but, informer au sujet de la surpopulation et soutenir les personnes ayant fait le choix de ne pas être parent.

A la base, la création du mot, dans un climat politique aussi particulier que celui évoqué plus haut, avait donc une symbolique extrêmement militante. Aujourd’hui, il ne revêt pas forcément cet engagement là : être childfree, c’est simplement souhaiter ne pas être parent. En effet, les raisons sont nombreuses et propres à chaque individu : manque de finances, pas de désir, peur, écologie, féminisme, désir de liberté, etc …

Pourtant, si le mot évoque simplement un fait, il est souvent mal vu, et à titre personnel, il n’est pas rare que j’entende de la part de connaissances ou d’inconnus que “j’utilise ce mot car il est à la mode ou simplement pour me donner un style”. C’est vrai que l’utilisation de l’anglais peut parfois donner un côté hautain : il s’agit en fait d’un manque cruel de vocabulaire que nous avons en français pour nommer ce fameux “non-désir d’enfant”!

Quant à l’aspect “mode” de ce dernier, il me semble que les remarques souvent virulentes, voire les insultes que l’on reçoit en exprimant ce choix, sont d’assez bons témoins prouvant qu’être childfree, n’a, en 2020, rien d’une mode. C’est encore un cheminement de vie tout à fait marginal, et largement incompris par la majorité de la population.

Le fait d’avoir un terme officiel, même anglophone, pour définir un ressenti aussi éloigné de la norme que celui de ne pas vouloir être parent apporte beaucoup aux personnes concernées : il nous apporte légitimité, nous permet de mettre un mot sur un désir que l’on ressent au plus profond de soi. En effet, si le désir d’enfant est souvent défini comme étant viscéral, quelque chose que l’on sent dans ses tripes, il en est de même pour le désir de ne pas être parent ! On ne l’explique pas forcément, et bien qu’on arrive à y trouver des raisons (souvent bien rodées après des années à se voir posé.es la question du fameux “mais pourquoi tu n’en veux pas!?”), il s’agit d’une envie viscérale pour nous également : on ne ressent pas ce fameux déclic, notre horloge biologique est réglée autrement, et il n’y a rien d’anormal à cela. Enfin, pas pour tout le monde …

Néanmoins, je pense que l’emploi de ce terme est salvateur pour de nombreuses personnes, et je prends pour témoins les divers groupes dédiés à ce sujet sur Facebook, mais également les dizaines de témoignages que je reçois sur mon compte Instagram @jeneveuxpasdenfant, qui remercient ce compte d’exister et qui confirment qu’avoir un mot pour qualifier sa pensée permet de se sentir moins seul.e, mais aussi d’avoir le courage d’assumer un choix de vie encore perçu comme anormal pour beaucoup de personnes.

Il nous reste maintenant à trouver un terme francophone qui puisse traduire aussi bien notre pensée que le terme anglais “childfree” ! On vous tient au courant.