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Stéréotypes de genre princesse ou plombier ?
Qu’est-ce qui fait que les filles aiment le rose et les garçons, le bleu ? Pourquoi les garçons doivent-ils être forts, avoir du caractère et ne peuvent pas pleurer ? Pourquoi les filles doivent-elles être sages, aider leur maman et aimer la cuisine ?
Ces clichés que l’on attend de nos enfants ne sont en réalité que le reflet de ce que la société tend à nous imposer depuis bien longtemps. Au travers de l’éducation que vous avez reçue étant enfant, vous reproduisez ces stéréotypes d’une certaine manière sur vos enfants, de façon consciente ou pas.
1. « C’est une fille ou un garçon ? »
Cette phrase peut sembler banale mais elle résume à elle seule des stéréotypes bien ancrés en chacun de nous. Dans le fond : est-ce nécessaire de connaître le sexe d’un enfant avant sa naissance ?
Je vous entends me répondre que ça l’est pour préparer la chambre du bébé, pour lui constituer sa garde-robe ou encore pour le gâter de jouets masculins ou féminins mais en quoi un organe génital devrait déterminer les goûts d’un nouveau-né ou encore les couleurs qu’on lui attribue ?
Quand il naît, un enfant n’a pas conscience d’appartenir à un genre en particulier, c’est un bébé. Indépendamment de ce qu’il a entre les jambes, il a faim, dort, pleure, etc. Ça me permet d’ailleurs d’expliquer la différence entre genre et sexe, qui sont deux données indépendantes l’une de l’autre.
Le sexe regroupe les caractéristiques sexuelles primaires et secondaires (les organes génitaux, les chromosomes, la pilosité, etc.) et il n’est pas toujours clairement défini. Il n’y a pas que « deux » sexes : pensez aux personnes intersexes.
Le genre, quant à lui, relève du volet social : c’est une construction sociale qui se crée par le biais de l’éducation de l’enfant et par la société. Voilà pourquoi je questionne le fait de vouloir, dès la naissance, faire rentrer un enfant dans un moule qu’il n’a pas choisi…
2. Bleu et rose
Aujourd’hui dans notre société occidentale, on associe très distinctement une couleur aux deux genres prédominants : rose pour les filles et bleu pour les garçons. Pourtant, cette attribution n’existe que depuis peu. A titre d’illustration, cette toile de Philippe de Champaigne datant de 1674 représente les enfants de Habert de Montmort : tentez de distinguer filles et garçons 🤪
Cela s’explique avec la libération progressive des femmes après la guerre 40-45 qui a participé à faire baisser le taux de natalité dans les familles. Une femme n’était plus nécessairement attachée au foyer puisqu’elle a pu commencer à travailler et les ventes de vêtements et d’accessoires pour enfants ont diminué. Une pratique commerciale s’est alors installée pour booster les ventes : associer le rose aux filles et le bleu aux garçons.
Dire à votre enfant qu’il ne peut pas porter du rose parce que c’est « pour les filles », c’est déjà le forcer à rentrer dans une case. Un garçon avec du rose serait faible et efféminé et le rose serait une couleur « inférieure » au bleu. Cette hiérarchie va s’imprégner dans l’esprit des enfants et instituer de fait une relation entre filles et garçons dans laquelle il y aura une domination masculine.
3. Les genres
Cette logique genrée dès la naissance pousse les enfants plus tard vers un parcours de vie plus limité. Par exemple, la distinction entre métiers typiquement masculins et féminins est encore forte de nos jours : comment un enfant pourrait-il se projeter dans un métier quand, dès le départ, il n’existe pas d’équivalent orthographique dans son genre ?
C’est ce que Noémie de Lattre souligne : elle est actrice, autrice et metteuse en scène mais pour ces deux derniers mots, son correcteur orthographique n’accepte pas le féminin. Elle fait remarquer que l’Académie française a eu « l’extrême bonté » de ne pas s’opposer à la féminisation des titres et métiers alors qu’il s’agit plutôt de les démasculiniser. Effectivement, le mot autrice existait jusqu’à la fin du 17ème siècle.
La société et l’éducation joue un rôle essentiel dans le parcours professionnel de tout un chacun. Combien n’osent pas franchir le pas de suivre leurs envies et de s’essayer à un métier associé traditionnellement à un autre genre, de peur de se faire juger ? Grandir dans un environnement non genré permet aux enfants de s’épanouir sans barrière inutile et d’explorer leur identité.
A bon entendeur… Et à bonne entendeuse 😉 (même si là aussi c’est souligné en rouge 🔴).
4. Qui êtes-vous ?
Vous êtes-vous déjà demandé d’où venait cette binarité homme/femme et si c’était partout la même chose ? Hé bien, je vous apprendrai peut-être que cette vision n’est pas une vérité universelle, que ce soit à l’heure actuelle comme par le passé.
Dans la Rome antique, il y avait une certaine reconnaissance de plus de deux genres, notamment avec les personnes dites « hermaphrodites » (terme anciennement employé pour désigner les personnes intersexuées).
Les eunuques à Byzance étaient des hommes qui étaient castrés volontairement ou qui n'étaient pas en mesure de procréer. Ils n’étaient pas considérés comme des « vrais » hommes, il s’agissait d’une catégorie à part qui a joué un rôle majeur dans l'histoire byzantine.
Avant l’arrivée des colons occidentaux, les sociétés amérindiennes reconnaissaient 5 genres différents. Certaines personnes se considéraient comme « deux esprits », elles pouvaient donc être assimilées au masculin comme au féminin. Cette diversité était vue comme un atout pour les tribus.
Ces différents exemples illustrent que pendant longtemps, il existait plus de deux genres. C’est l’Église catholique qui a progressivement instauré, dans notre société occidentale, la distinction des deux sexes (à l’époque amalgamée aux deux genres) et donc la domination sexuelle des hommes sur les femmes.
Aujourd’hui encore, différentes sociétés prennent en compte plus de deux genres : les « katoï » en Thaïlande, les « fa’afafine » dans les îles Samoa ou encore les « muxes » au Mexique. Le dénominateur commun est cette notion de 3ème genre mais essentiellement un genre se rapprochant du côté féminin. Même si ces cultures reconnaissent leur existence, ces personnes ne sont pas pour autant bien intégrées socialement.
Enfin, notons que certains pays occidentaux comme l’Allemagne, Malte ou encore le Danemark ont récemment décidé de reconnaître un 3ème genre. Il est associé à un genre neutre, pour toutes les personnes ne se considérant pas homme ou femme principalement. Loin d’être parfaite, cette solution « fourre-tout » constitue néanmoins une avancée non négligeable vers une déconstruction de la binarité séculaire.
LE PODCAST
STEREOTYPES DE GENRE : princesse ou plombier ?
Photo : « Le sens du poil »
Écrit par Adeline Colano
Adeline est une femme transgenre de 32 ans qui travaille à la Défense depuis 2006. Cette particularité influence sa vie depuis toujours sans pour autant en être le centre. Elle est et aime bien d’autres choses et ne veut pas se voir limitée uniquement à cela. Elle est particulièrement intéressée par les thématiques du mieux vivre ensemble, notamment par l’aspect diversité, ainsi que par l’amélioration des modes de vie dans un meilleur respect de l’environnement. Elle est en charge du département Web Mag de l'association.
